Verdun : sur les traces de mon grand-père

La généalogie ouvre beaucoup de voies d’exploration : historique des communes, trouvaille et description d’anciens métiers, étymologie des patronymes, évolution des habitudes (vestimentaires, alimentaires, etc.)… Et puis, incontournables points de repère : les guerres.

J’ai eu à cœur, il y a quelques années, de retracer le parcours de combattant de mon père, de 1939 à 1945. Et j’ai pris conscience que, si mon grand-père paternel l’avait été aussi, il faisait en plus partie des jeunes « Poilus », car il avait 18 ans en 1914. Comment ignorer cette partie de sa vie, en pleine commémoration du Centenaire ?

J’ai donc repris ma quête d’informations pour reconstituer l’itinéraire de ce grand-père qui a vécu un terrible conflit et n’en a pas témoigné, ni à l’écrit ni à l’oral.

Leclercq Désiré
Heureusement, tout est sur Internet ! J’ai passé des heures à rassembler les informations nécessaires à mon objectif :

– tout d’abord, la fiche matricule, indispensable point de départ de toute recherche
– puis les JMO (Journaux de Marche des Opérations) de chaque régiment où il a été affecté
– ensuite, les sites et forums consacrés à cette « Grande Guerre » (et ils sont légion !)
– et enfin, la lecture de plusieurs livres de témoignages de Poilus, la consultation des archives photographiques sur Gallica et le visionnage de vidéos d’époque à l’INA

Au bout d’un interminable mais passionnant travail de lecture, de sélection d’informations, de recoupements, j’ai établi la chronologie de ses déplacements et la liste des batailles auxquelles il a  participé :

– 1915 : Argonne, bataille de Champagne, butte du Mesnil puis secteur sud de Verdun
– 1916 : Verdun toujours, puis Cumières-Le Mort Homme, suivi de l’Artois et retour à Verdun avant d’aller dans l’Aisne puis dans la Somme (Biaches, La Maisonnette)
– 1917 : de nouveau en Champagne et départ en novembre pour le front italien où, avec le 138e RI, il participe à la libération de l’Italie (bataille de Vittorio Veneto en octobre 1918 – Croix de guerre et cité à l’ordre du régiment : « Bon soldat, très courageux, s’est brillamment conduit pendant les attaques des 28 et 29 octobre 1918″)

Je passe sous silence les difficultés de lecture des renseignements de la fiche matricule, les longues listes, dans les JMO, des activités d’attente, d’entretien du matériel et des constructions, doublées de celles des blessés et des morts, les nombreuses tentatives de compréhension des stratégies militaires déplaçant tel Poilu d’un régiment à un autre et telle Compagnie d’un endroit à un autre, sans logique apparente…

Je ne pouvais pas en rester là… J’ai voulu suivre ses traces. En 2015, je suis allée en Argonne, ai retrouvé des ruines de cantonnement, des vestiges dans les bois (piquets, pelles, gourdes, barbelés), pris des dizaines de photos, dont celles-ci (prises dans le bois du Tillat) :

Bois de Fosses 02

Le Tillat 01

et celle-ci, à La Harazée :

La Harazée 05

Deux ans plus tard, me voici à l’est de Verdun. J’ai parcouru les quelques kilomètres carrés délimitant certains villages de cantonnement cités dans le JMO du 165e RI où était mon grand-père, affecté au secteur est de Verdun (Abaucourt, Riaville, Pintheville, Herméville, Fresnes-en-Woëvre, Braquis, Eix, Bonzée…). Voici deux vues de ce court périple :

Rte Braquis 01

Sur la route de Braquis…

Abaucourt 05

Monument aux morts d’Abaucourt

Merveilleux hasard… ou destin : à Pintheville, j’ai rencontré une dame dont le mari, ancien maire du village, était passionné d’histoire. Elle m’a ouvert l’église et raconté son histoire, puis montré les photos du village avant et pendant la guerre, dont elle m’enverra des copies scannées.

Encore une promenade mémorielle qui ancre encore plus mon admiration et mon respect pour mon grand-père. Lui et son frère sont revenus vivants de ce chaos, le premier indemne et second blessé et gazé. Peu de familles ont eu cette chance de ne perdre aucun enfant !

Prochaines étapes : Artois, Champagne et Italie !


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