Nous en connaissons tous, qui occasionnent sourire entendu ou écoeurement, selon le sujet abordé, les circonstances ou la personne qui les prononce. Parfois on lui adjoint le qualificatif « doux ». Quelques exemples :
Dans le style « contournement » :
non-voyant pour aveugle
personne à mobilité réduite pour handicapé
gens de couleur pour Noirs
personne de petite taille pour nain
longue maladie pour cancer
défavorisé pour pauvre
demandeur d’emploi pour chômeur
contre-vérité pour mensonge
Dans le style « horreur » :
frappe chirurgicale pour bombardement
dommages collatéraux pour victimes civiles ou destruction de sites non militaires
contrat pour assassinat commandité
Une expression m’épate par sa démagogie, son imbécillité, sous prétexte d’objectivité ou de non-jugement – et c’est peut-être pour cela que les journalistes l’utilisent si naturellement : échapper à la vigilance de. En général, il s’agit d’un très jeune enfant que les parents – que faisaient-ils donc ? – ne surveillaient pas. Pauvre gamin ! Le voilà responsable du manquement de ses parents à leur devoir.
Définition de « vigilance » : surveillance attentive et soutenue (attentif = concentré / soutenu = sans relâche)
Si un enfant quitte une aire de jeux, un lieu de loisirs ou une cueillette de champignons, c’est bien entendu exprès pour « échapper » à l’attention constante de ses parents !! Rien que sur le plan de la sémantique, cette expression est une aberration : si quelqu’un vous surveille étroitement, vous ne pouvez pas vous échapper.
Alors pourquoi l’emploie-t-on, si ce n’est pour ménager un adulte, éviter de mettre à mal le statut, l’image du parent, atténuer la faute, faire « lisse » ? Il ne faut surtout pas offenser, blesser ou suggérer quelque chose de désagréable.
L’euphémisme, pour le dictionnaire, c’est « l’adoucissement d’une expression jugée trop crue, trop choquante ». Je propose une nouvelle définition, plus adaptée au monde contemporain : art de transformer, détourner ou fuir la réalité.