J’ai mal à mon français !

Certes, la langue évolue…  mais elle s’appauvrit plus qu’elle ne s’enrichit ! C’est le nivellement par le bas.

Coup sur coup, je trouve deux lettres de lecteurs de Télérama dont voici la teneur :

– l’un dénonce l’emploi de « quoi » qui ponctue la fin de toute phrase  :  toutes les couches de la population l’utilisent, quoi. Au début, c’est amusant, quoi. Puis ça devient vraiment lourd, quoi. Écoutez autour de vous, c’est édifiant, quoi.

– le second renchérit en ajoutant des expressions toutes faites, largement utilisées : « en fait », « on va dire », « une espèce de », « entre guillemets » (avec le geste approprié), « entre parenthèses » (= t’as pas compris) et le fameux « voilà » (alternative au « quoi » précédent), employé quand on est à court de vocabulaire et qu’il faut terminer une phrase qu’on ne maîtrise plus…

Aujourd’hui, j’y ajoute la banalisation effarante, et semblant complètement admise par tout le monde, de l’emploi de la préposition »sur » à la place de quasiment toutes les expressions existantes. Ce vomi linguistique est non seulement verbal, mais on le trouve aussi écrit en toutes lettres dans les articles, les publicités, les lettres…

Vous ne me croyez pas ? Alors lisez ce qui suit (trois fois hélas, la liste ne s’arrête pas là) :

Free – 8 oct. 05 (relayant une dépêche de Reuters) – Une charge explosive d’origine indéterminée a explosé peu avant 2h00 du matin, provoquant de très faibles dégâts sur le bâtiment communal, précise-t-on de même source (on provoque des dégâts A quelque chose)

Avis aux voyageurs empruntant le tram de Lille (géré par l’entreprise Transpole) : « Des perturbations sont à prévoir le samedi 15 octobre en raison d’une grève sur le tram » (ici, c’est sans doute trop fatiguant d’écrire « DANS tout le réseau du tram »)

France 3 – 17 oct. 05 – Emission spéciale « Questions pour un champion » – A chaque cadeau de livres, la voix off annonce : « pour approfondir vos connaissances sur tous les domaines du savoir » (on a des connaissances DANS un domaine)

France 2 – 22 oct. 05 – Tirage du Loto – Valérie Payet annonce qu’un joueur a gagné « x » Euros sur le 2ème tirage (c’est, bien entendu, AU 2ème tirage)

France 2 – 1er nov. 05 – Maryse Burgot concernant le reportage sur les 3 sœurs qui se sont unies pour que l’une d’elle, stérile, puisse avoir un enfant : « l’ovule a été implanté sur Alex » (raccourci inapproprié : l’ovule a été implanté DANS l’utérus d’Alex)

France 2 – 5 nov. 05 – Thé ou café – Jean-Michel Ribes : « Arrêtons de stigmatiser le star system : lorsqu’un acteur très connu apporte sa célébrité sur un auteur inconnu… » (là encore, pour faire vite, on tronque la phrase réelle : apporter sa célébrité POUR aider, POUR soutenir, un auteur inconnu…)

Free actualités – 5 nov. 05 – Titre : Le scepticisme grandit sur le budget européen par Yves Clarisse (le scepticisme grandit EN CE QUI CONCERNE le budget européen)

France 2 – 24 nov. 05 – JT – Elise Lucet remercie son invité, Hervé Chabalier, en ces termes : « merci d’être venu sur le 13 heures »  (venu AU journal de 13 heures… mais elle aurait pu dire « d’être venu SUR LE PLATEAU du journal… ça devait être trop long à dire)

Free Actualités –  25 nov. 05 – Titre : Grève à l’usine Volkswagen de Bruxelles sur l’âge de la retraite (ne fait-on pas, en général, une grève CONTRE une décision, un projet, ou, à l’inverse, POUR DENONCER cette décision, ce projet ?)

 France 3 – 3 décembre 2005 – Emmanuel de Brantes dans la bande-annonce de son émission « Paris, c’est les modes » décline tous les sujets en disant : « tous ces thèmes seront sur Paris, c’est les modes » (eh non, double faute : ces thèmes seront ABORDES, DEVELOPPES, TRAITES… DANS l’émission X)

 Durant le Téléthon 2005 (France 2) :
– Nagui : on est sur la même fibre (cette expression n’existe même pas !)
– Ministre de la Santé : il était venu sur Intervilles (bravo, le Ministre)
– Jerry Leymergie : si vous êtes ému sur l’émission… (on est ému PAR quelque chose)

Panneau publicitaire  immobilier : « votre implantation sur Marne-la-Vallée » (il s’agit de s’implanter A Marne-la-Vallée)

Cette nouvelle habitude (mode ?) a des conséquences perverses : il est parfois difficile de ne pas tomber soi-même dans cette hérésie… Parfois il m’arrive de douter de l’expression que j’emploie et je me surprends à vérifier si j’use du bon vocabulaire, celui qui rend agréable, multiple, colorée, une langue riche et descriptive : celle que je souhaite continuer d’utiliser dans mes écrits ou dans mes conversations…

Le français lambda qui se trompe collectivement devient une référence ! Et quand vous utilisez correctement votre langue, vous devenez un marginal…

C’est un comble !


2 comments on “J’ai mal à mon français !

  1. Jean-Claude Deret dit :

    Hélas, chère Philophénomène, tu mènes un combat ( ? ) perdu d’avance. Je te signaler aussi les  bénévoles qui te sollicitent, faisant appel à ton bon coeur, et quêtent POUR le cancer…  ou POUR toute autre infirmité nationale et non pas CONTRE.  Va-t-il falloir quêter pour la sauvegarde de la langue ?  Trop tarc !

  2. Marco de Soissons dit :

    Moi aussi ça me gave souvent grave mortel les expressions employées à mauvais escient 😉 D’ailleurs, au jour d’aujourd’hui, elles peuvent parfois avoir un impact conséquent.
    Parfois, j’ai l’impression d’être un extraterrestre lorsqu’il me vient l’idée saugrenue d’ouvrir un objet tombé dans l’oubli : le dictionnaire.

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