Audition… instructive !

L’objectif de la Commission d’Enquête Parlementaire sur « l’affaire d’Outreau » était parfaitement annoncé : comprendre le déroulement des événements et repérer les dérapages pour définir les axes de travail du Parlement vers l’amélioration des procédures judiciaires.

La prestation du juge Burgaud n’a jamais répondu à cet objectif : ce magistrat est resté incapable de dérouler le film de son instruction, uniquement accroché à ses procédures, ses repères juridiques, ses codes académiques, ses certitudes aussi. Tout son être disait : « Mais qu’est-ce que vous me demandez ? Je ne comprends pas ma présence ici, ni pourquoi on me questionne ».

J’ai en effet été frappée par l’image que donnait Fabrice Burgaud. L’observation de cette relation « verbal / non-verbal / paraverbal » est fascinante pour un observateur attentif.

Son attitude générale (immobilité quasi-totale, bras croisés, dos rond, tête un peu rentrée), ses regards (furtifs, brefs) et ses yeux bien souvent baissés, son visage (lèvres pincées, menton bloqué) étaient en contradiction entière et permanente avec les mots qu’il prononçait. Bien souvent il commençait, sans les terminer, des phrases alambiquées, floues. Son expression était mécanique, répétitive. Quant à la tonalité, au débit, à la stabilité, au volume de la voix, c’étaient ceux d’une personne peu sûre d’elle et non d’un professionnel qui annonçait assumer ses actes.

Lui-même croyait-il à ce qu’il disait, étant intiment persuadé qu’il s’était bel et bien trompé mais voulant faire croire le contraire ? Ou subissait-il la pression du moment ?… auquel cas il a pu (s’il en a pris conscience) imaginer ce qu’ont ressenti les acquittés devant lui pendant l’instruction…

Quoi qu’il en soit, ces décalages sont les plus sûrs facteurs de non-crédibilité.

Nietzche a dit : « on a beau mentir, on dit toujours la vérité avec la gueule qu’on fait quand on ment ».  En l’occurrence, Fabrice Burgaud ne mentait sans doute pas : il était tout simplement inapte à sortir de son propre système de valeur, de SA vérité…

Mais, ni assez culotté pour s’en prendre ouvertement au système judiciaire (détruit-on sa maison ?), ni assez humble pour reconnaître sa part de responsabilité, il est passé à côté de la rédemption.

Et il n’a rien apporté de concret à la Commission d’Enquête pour alimenter sa réflexion.

Mention particulière pour André Vallini, le Président de la Commission : c’est avec beaucoup de tact, de recul et de neutralité qu’il a mené cette séance. Exemple à méditer pour le juge Burgaud : après avoir instruit, cette audition devrait  l’instruire…

Le juge Burgaud est en effet, sans le savoir, le grand bénéficiaire de ce salutaire déballage judiciaire : cette tempête qu’il a déclenchée et dont il fait partie intégrante aujourd’hui, peut lui permettre de grandir et de devenir un magistrat prudent, circonspect, avisé. C’est en se trompant qu’on apprend. Encore faut-il accepter d’écouter sa voix intérieure, ce qu’il n’a jamais fait (ou su faire) durant son instruction, et encore moins durant cette audition.


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