Lumineuse Myriam

Le décor est dépouillé : se détachant sur un fond noir, seuls un vieux fauteuil à bascule et un cadre de fenêtre en bois clair meublent la scène. Deux accessoires : une boîte en fer blanc et un journal sont posés au sol.

C’est l’environnement de Maria qui, depuis 28 ans, attend Anna, dans l’appartement qui fait face à celui de son amie d’enfance. Elle égrène ses souvenirs au détour d’une idée, un mot ou un bruit. Anna va revenir… Maria l’attend, espère. Elle la guette à la fenêtre, comme tous les ans, comme ce soit de Noël 1970…

Le public comprend très vite qu’Anne ne reviendra pas, mais il ne sait pas tout de suite pourquoi. Cette phrase, extraite de la pièce, pourrait tout résumer : « Dès la première étoile, il aurait fallu refuser. Je n’ai pas perdu le combat, Anna… Je ne l’ai pas mené ».

La force du texte d’Anne Jolivet vient de tout ce qu’il distille de fragments épars, de moments fugaces et intemporels, d’indices, d’abord presque imperceptibles, puis de plus en plus précis, circonstanciés et explicites. Ils se déclinent au gré des humeurs de Maria qui, passant de la fraîcheur à la terreur, de la colère à l’abandon, de la frustration à l’impatience, de la candeur à la culpabilité et la désespérance, reconstitue le puzzle de sa vie, avec et sans Anna.

La mise en scène est sobre, lente, comme suspendue au temps qui passe. Elle laisse à Maria la possibilité d’aller chercher et de retenir tel ou tel souvenir, ou de l’évacuer…

Myriam Boyer est une magnifique Maria. Elle offre une composition tout en nuances, émotions et sentiments aussi diversifiés qu’authentiquement exprimés. C’est déjà une performance de tenir seule en scène durant plus d’une heure. C’est un exploit que de servir un texte particulièrement complexe et anamorphosé.

Ce rôle lui a valu une nomination aux Molières 2005 dans la catégorie « meilleure comédienne

Il y a des artistes qu’on voit tout le temps : cinéma, théâtre, TV (téléfilms et émissions de promotion). Il en est d’autres dont la carrière discrète n’en est pas moins remplie et prodigieuse. Myriam Boyer en fait partie.

Lors d’un voyage professionnel à Lyon, je l’avais rencontrée un soir, dans la rue. Je la connaissais un peu pour ses apparitions au cinéma (chez Sautet, par exemple). Je me suis alors promis d’aller la voir au théâtre. C’est fait et j’en suis vraiment enchantée.

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« Je viens d’un pays de neige » d’Anne Jolivet – Théâtre de l’Oeuvre – Paris (jusqu’au 9 septembre)


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