Pointillés de nostalgie

Je suis en retard… J’ai déjà quitté Paris après l’heure que je m’étais fixée,  je n’ai pas considéré l’autoroute Paris/Lille comme un circuit de formule 1 et je prends encore le temps de déposer mes affaires à l’hôtel à Lille avant de sauter dans le métro. Résultat : j’arrive à Roubaix à 14 heures et non à 13, comme je l’avais prévu.

Mais rien ne m’empêchera de déjeuner. Je connais un restau où l’on mange bien pour un prix raisonnable, près de la place de la République et de la station Eurotéléport. Il fait frais mais le ciel est tout bleu et le soleil rayonnant : je m’installe à la terrasse et je commande une salade composée. Je me sens bien, dans mon Nord natal et dans une atmosphère propice à la rêverie et aux souvenirs d’enfance.

J’ai à peine touché à mon plat qu’un vieux monsieur vient s’asseoir à ma table avec son bock de bière en disant : « c’est toujours là que je me mets ». Les dix autres tables autour de nous sont libres, mais bon, c’est sa place, n’est-ce pas ? Je lui réponds : « pas de problème, installez-vous » et je souris intérieurement à la drôlerie de la situation, car je n’avais pas l’intention de lui parler mais de continuer mes sauts dans le passé.

Et puis, il me raconte sa vie, ses déboires et ses joies, son divorce à 65 ans, sa rencontre avec sa nouvelle compagne quelques années après, son travail et sa retraite active (tournée des bars, cigarette avec les habitués, lecture du quotidien régional et télévision)…  me faisant dépositaire de son vécu, me prenant à témoin des aléas de la vie, me tutoyant lorsqu’il demande mon assentiment ou insiste sur une idée.

Soudain, alors que je bois mon café, il aperçoit un copain, l’interpelle, vide sa bière, se lève et dit : « bon, faut que j’y aille ».

Il m’a rendu service, ce vieux monsieur… en  mobilisant mon attention vers lui, il m’a évité trop de nostalgie en une seule journée, car je venais à Roubaix voir une exposition de photos exclusives de la grande grève des mineurs de Lens en 1963, dans l’espoir d’y repérer mon père, mon grand-père ou mon oncle…


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