Pépé, 7 heures du matin


Vous n’avez jamais été malade : les Provençaux, et particulièrement les Arlésiens, c’est bien connu, ont une solide constitution, de celle qui font les centenaires.

Vous vous êtes toujours levé de bonne heure pour aller travailler. Dame ! Cinquante km à une époque sans RER, ça demande un certain temps de transport, même pour un ingénieur à l’Aérospatiale…

Depuis toujours, vous teniez un registre où, quotidiennement, vous notiez la météo, les évènements du monde et ceux de la famille. Quelle somme d’informations et de mémoire pour les générations suivantes !

L’été, dans la maison de l’Allier, avec votre éternel tablier bleu et votre chapeau de paille, vous y alliez allègrement du sécateur, du tournevis et de la clé à molette pour entretenir jardin, mobilier et vélos de vos petits-enfants.

Le reste de l’année, les dimanches après le déjeuner en famille chez vous à Paris, nous parlions politique, environnement, littérature, sciences.

A notre départ, vous glissiez toujours, dans la main des petits, une enveloppe avec un billet ; et, à nous, leurs parents, un sac rempli de gâteaux et de 2 ou 3 pots de confiture et de Nutella.

Quand Mémé vous a laissé seul, vous étiez perdu. Mais toute la famille de Marseille comme de Paris s’est relayée pour compenser cet abandon. Avec votre grande force de caractère, vous n’avez jamais perdu le sourire et l’envie de vous cultiver, de vous informer, de vivre avec votre temps (avec quelle rapidité et facilité vous avez intégré l’Euro !).

Jusqu’à cet été 2004 où, d’un petit pépin à un gros, le chirurgien a dû vous couper une jambe et a recommandé à vos enfants de vous placer en maison de retraite médicalisée. Vous qui n’aviez pratiquement jamais quitté votre 20ème arrondissement !

A chacune de mes visites dans ce qui reste, pour moi, un mouroir, nous déjeunions ensemble et vous faisiez honneur avec gourmandise à tous les plats, à l’apéritif, au vin et au café. Et nous continuions à discuter de tout. Mais petit à petit, votre santé à décliné, tout doucement, presque imperceptiblement, dans une discrétion qui a toujours été votre manière de vivre.

Ces derniers mois, vous restiez à peine éveillé, juste le temps de nous reconnaître, de caresser mon chien, venu se blottir contre vous dans les couvertures.

Votre regard bleu, que j’ai toujours connu pétillant et plein de bonté, est devenu candide, comme étonné ; votre sourire incertain ; vos gestes lentes et précautionneux.

Cela fait 13 ans que vous vouliez rejoindre Mémé. Depuis ce matin, c’est fait. Je crois que vous devez être heureux.

Mais moi je suis très triste.


One comment on “Pépé, 7 heures du matin

  1. MichÚle dit :

    Je devine ta peine devant ce départ. Tu m’a toujours parlé de lui avec tendresse et admiration et ton hommage correspond bien à ce que tu as toujours exprimé vis-à-vis de lui. Je compatis de tout coeur à ton chagrin. Je t’embrasse.

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