La ch’ti attitude

Depuis longtemps, je ne mets plus les pieds dans une salle obscure : portables qui sonnent, pop-corn qui craque et traîne par terre et, surtout, agression perpétuelle du son quadriphonique bien trop fort.

 Eh oui, je vais peu au cinéma. La preuve : le dernier film que j’ai vu, c’est « Farenheit 9/11 », c’est dire !
 Mais c’était jusqu’à dimanche dernier…
Car il fallait bien que, fille du Nord, plus étonnée qu’impressionnée par la déferlante ch’timi occasionnée par le film de Dany Boon, j’aille me rendre compte du traitement de ma région par cet humoriste qui, généralement, et c’est une opinion personnelle, ne me fait pas vraiment rire.

J’avais regardé la bande-annonce, vu les promos, consulté les forums, découvert le concert dithyrambique de la presse unanime. Bon, me dis-je. Faut que je me fasse une idée.

Je vais vous faire une confidence : le mercredi précédent, jour de première nationale, j’étais l’une des premières dans la fille d’attente, à la première séance de la matinée. Mais j’en suis partie, chassée par le déballage de langues fourchues d’une bande de vieilles mégères aussi bourgeoises que vulgaires.

Etrange destin… Jeudi, un ami m’appelle et me dit : « J’ai vu un film formidable. Rire et émotion réunis. Ca m’a fait penser à toi. Tu devineras lequel, je suppose ».

Rebelote et me voilà de nouveau dans la file d’attente.

Surprise, un dimanche à 10.00 : salle comble ! Dans ce cinéma, trois salles avaient été prévues pour « Bienvenue chez les ch’tis » – projections quasiment simultanées (avec ½ heure de décalage)… Je me dis : bon, d’accord, c’est parce que la séance est à 5 Euros au lieu de 9 (méfiante jusqu’au bout).

Deux heures plus tard, je ressortais avec un puissant mélange d’émotions fortes et de sentiments simples : bonheur, attendrissement, nostalgie… et un plaisir pur.

Incroyable : j’ai ri du début à la fin ! Même parfois traité avec outrance, jusqu’à la caricature, le caractère nordiste était bien là. Je me retrouvais, quarante ans en arrière, dans l’atmosphère de ma cité minière, entourée des voisins et amis de mes parents, gens bons vivants, sans prétention, s’amusant d’un rien, accueillants et sincères, prêts à vous rendre service sans que vous ayez à demander.

Au-delà du comique, Dany Boon passe, en bonne humeur et en douceur, un message universel : fuyez les clichés, ouvrez vos esprits, acceptez l’autre tout entier, avec ses défauts, ses travers et sa culture.

Ce film évite la tentation régionaliste, protectionniste, hagiographique et franchouillarde. Il contourne également le risque de mièvrerie et d’apitoiement…  Il montre avec sensibilité et humanisme (le scénario raconte de vraies histoires de vie) un monde en mouvement malgré le quotidien, le « chacun pour soi » et la fuite en avant.

Même si vous ne comprenez pas le chtimi, vous saurez ce que certains mots veulent dire, devant les expressions des visages, dans le contexte des situations et parfois même avec la traduction simultanée des acteurs.

Et puis, tiens, procurez-vous ces deux ouvrages, juste pour le plaisir de retrouver l’accent :

Le parler du Nord Pas-de-Calais – Fernand Carton et Denise Poulet (E° Christine Bonneton), où sont recensés un petit millier de mots du terroir

Parle-moi chti – méthode d’apprentissage Assimil (accompagnée d’un CD audio), très concret et plaisant parce que basé sur des tranches de vie de tous les jours.

Au fait, « chtimi », ça veut dire quoi ? C’est la contraction de « ch’est ti, ch’est mi » (c’est toi, c’est moi). Tout un symbole ! .


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