Bêtise et haine ordinaires

Je croise souvent cette dame élégante, propriétaire d’un appartement plutôt cossu de l’autre côté de ma rue, et qui promène son chien tous les jours par chez moi. Chez moi, c’est un immeuble HLM entouré de 3 espaces verts, pas grands mais plaisants. Sa résidence à elle ne comporte aucun espace vert. »Bonjour » – caresse réciproque aux chiens – quelques échanges superficiels sur le temps – « au revoir et bonne journée ».

Ce matin, elle m’apostrophe : « Alors, dans un mois, votre immeuble sera entouré de grilles… C’est, paraît-il, pour empêcher les voisins du quartier de faire crotter leur chien dans l’herbe. Je m’en fiche. Je passerai lorsque quelqu’un ouvrira ou fermera la grille. Moi, j’ai toujours ramassé sur les trottoirs. Mais, dans l’herbe, ce n’est pas si important ».

– Ah oui ? répondis-je, le nez commençant à sentir la moutarde. Et vous pensez aux gamins qui jouent et aux ouvriers jardiniers municipaux qui entretiennent la verdure ? Et puis, si vous ramassez sur les trottoirs, quel intérêt d’aller dans l’herbe ?

Elle change tout net de direction, et en pleine contradiction avec ce qu’elle vient dire dire, me lance :

– De toutes façons, ce sont les locataires de cet immeuble qui font crotter leurs chiens dans l’herbe : je les vois faire. Ca ne sert à rien de mettre des grilles : il y aura toujours autant de crottes.

– Vous avez raison : certaines personnes de cet immeuble sont aussi sales que certaines des immeubles voisins qui passent dans nos jardins. Quant les grilles seront installées, les coupables seront moins nombreux et sans doute plus facilement repérables.

Elle s’attendait peut-être à une vive contradiction de ma part. Re-pivot à 180° :

– C’est comme chez ma fille, à Créteil. C’est d’une saleté repoussante. Elle habite un quartier où il y a des juifs. Tous les juifs sont sales.

Je décide d’être juive et lui souris :

– Ah bon ? Vous me trouvez sale ? Comme les propriétaires de chiens qui les laissent crotter dans l’herbe ?

Pincement de lèvres, recul du buste, tirage sur la laisse. Bouillante à l’intérieur, mais « indécrottablement » correcte, je lui ai quand même dit « au revoir ». Mais la prochaine fois que je la croise, il n’y aura sans doute pas de « bonjour ».


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