Bernard Kruysen, dix ans déjà

30 octobre 2010 | By Philophenomene

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Ce baryton exceptionnel s’est éteint brusquement, à 67 ans, le 30 octobre 2000 dans sa maison près d’Amsterdam.

Néerlandais de naissance, mais ayant passé toute sa jeunesse en Provence, puis à Chartres, il parlait français sans aucun accent et le chantait encore mieux ! Ses disques de mélodies françaises font référence : Fauré, Ravel, Debussy, Duparc. S’y ajoutent des enregistrements de Monteverdi, Schumann (l’intégrale des lieder de 1840), Bach, Moussorgski, Martinu.

Parallèlement, il était champion de plongée et pratiquait l’apnée, ce qui lui permettait des prouesses vocales, notamment dans les (très) longues vocalises de Bach, qu’il arrivait à chanter sans prendre de respiration !

Son art du chant était naturel, spontané et intuitif, son expressivité sans limites. Cela rendait ses concerts et enregistrements profondément humains et chaleureux. Grand spécialiste de la mélodie française, dans la lignée de Pierre Bernac et Gérard Souzay, il s’en distinguait cependant par une approche virile, gourmande et sensuelle. Sa voix n’était pas des plus puissantes, mais son timbre de miel, son style, son sens lyrique, sa manière de jouer avec les mots rendaient ses interprétations radieuses et apportaient au public délectation, complicité et bonheur.

Par un concours de circonstances incroyable, je suis devenue son manager artistique et notre collaboration a duré quelques années. J’ai eu la chance d’assister en 1983 à son nouvel enregistrement des mélodies de Poulenc avec Noël Lee et de l’accompagner en 1985 dans une masterclass du Festival de Saintes, dirigé par Philippe Herreweghe. Je garde le souvenir d’un homme accessible, simple, parfois même candide. Mais avec une conviction inébranlable : conserver cette voix telle que la nature lui avait donnée. Par boutade, il disait : « Je ne prends pas de cours de chant ; j’ai trop peur d’abîmer ma voix ».

Grâce aux marques Valois, Erato et Arion, cette flamme vit et vibre toujours. Pour la découvrir (ou la retrouver), voici quelques liens : laissez-vous emmener dans le monde harmonieux et coloré de Bernard Kruysen, une voix au service des plus grands mélodistes.

Pour ma part, je ne peux écouter « Chanson triste » de Duparc sans une intense émotion : toute sa passion lyrique s’exprime dans cette magnifique mélodie mélancolique mêlée d’espoir.