Raphaël Glucksmann : nouvelle voie ou navrant constat ?

 

Reçu par Pierre Weill sur France-Inter, ce fringant quadragénaire a une conviction simple qu’il cherche à faire partager : pour gagner les prochaines élections, il faut dissoudre les partis existants  de la gauche actuelle et les refondre en une seule structure fonctionnant avec d’autres schémas, d’autres moyens, d’autres actions, en se basant sur les 30 % de Français, toutes tendances confondues, qui aspirent à une alternative sociale et écologique.

L’idée est basique (bien que peu réaliste !). Le discours, en revanche, est plus opaque. Empreint de dialectique, de formules pseudo-modernes, de vocabulaire grandiloquent propre aux intellectuels de gauche, de galimatias conceptuel bien éloigné des pistes d’action concrètes, il dessert ce projet très (trop ?) idéaliste. Quelques exemples :

  • Réhabilitation – Ce mot sous-tend cette « alternative sociale et écologique ». Selon lui :

– il faut « passer de la contre-culture à la logique d’ajustement qui embrasse la réhabilitation de la puissance publique face aux intérêts privés, l’idée républicaine face au particularisme »
– il faut créer « une société qui réhabilite la notion de limite »
« l’écologie, c’est la réhabilitation de l’idée de limitation du désir privé par la puissance publique »

  • Logiciel – C’est la grande trouvaille de ce vocabulaire du renouveau politique de toute la gauche unie :
    « l’émergence d’un logiciel écologique »
    – « logiciel de la transformation écologique »
    – « l’écologie, c’est le logiciel de la transformation sociale »
    – « la sécurité, la laïcité, le destin commun d’une nation, ce sont des questions qui posent problème dans notre logiciel politique »
    – « la gauche va se reconstruire autour du logiciel écologique »
  • Autres citations lors de cette interview – Pour Glucksmann, il faut :

« …  dépasser les structures et appareils existants, partisans ; c’est notre responsabilité historique »
« … une personnalité capable de transcender les blocages de la gauche telle qu’on la connaît »
«  … se donner les moyens de trouver une seule offre politique sur cet espace »

Et cette dernière, savoureuse parce que verbeuse :

« Face à la catastrophe annoncée, on va réarmer les politiques publiques, on va réarmer l’idée que la politique peut investir les structures de domination sociale. On va finalement mettre fin à ce moment post-politique qui a été le triomphe d’un progressisme libéral un peu niais, de VRP du marché qui nous expliquaient que, finalement, la puissance publique ne pouvait rien et qu’il fallait juste accepter les évolutions du monde »

Notez qu’aucune piste d’action ni proposition concrète n’émaillent ce discours. Raphaël Glucksmann utilise la même dialectique et le même flou linguistique que ces prédécesseurs, ceux qu’il veut justement mettre au placard pour installer cette « réhabilitation logicielle de l’idée républicaine » (NDLR – cette expression n’est pas de lui, mais de moi !)

Il critique aussi la tenue des Universités d’été : « Il faut plus que ces Universités d’été morcelées ». Pourtant, il participera à celles du Parti Socialiste et d’EELV. Oui mais c’est pour faire passer ce message de nécessité d’union.

Et voici le clin d’œil final au langage de Raphaël Glucksmann, élitiste, uniquement conceptuel et déconnecté de la réalité des Français qu’il veut reconquérir. Le dernier auditeur reçu à l’antenne lui dit : « Les pauvres, vous ne les consultez pas. Personne ne représente les pauvres, personne ne parle des pauvres. En dessous des classes moyennes, il y a le pauvres, mais je crois que le mot vous arrache un peu la bouche ».

Et la réponse de Glucksmann : « C’est justement pour cette France-là qu’il faut proposer une alternative politique à Emmanuel Macron, au libéralisme et à l’injustice sociale qui règne dans ce pays. C’est pour cette France-là et par cette France-là ».

Notez qu’effectivement, il ne prononce pas le mot « pauvre »… En revanche, le discours est, comme toujours, une déclaration d’intention, sans aucun éclairage méthodologique.

Raphaël Glucksmann est donc bien un homme politique « à l’ancienne », bien qu’il s’en défende : il expose en long et en large le « ce qu’il faut faire » mais n’aborde surtout pas le « comment il faut faire ».

Je lui concède que c’est peut-être un peu prématuré, car il faut d’abord mettre tout le monde autour de la table. Mais pour fédérer les diverses tendances de la gauche, concevoir, finaliser et appliquer un « programme commun » et rassembler les Français autour, il y a du boulot !

Et, avec ce langage-là, ce n’est pas demain que la gauche reprendra des couleurs…

Vous savez quoi ? Plus je le regarde, l’écoute et le lis, plus je lui trouve une ressemblance avec Emmanuel Macron : belle gueule, en pleine confiance de soi, allure décontractée, regard droit, verbe élégant, débit facile…

Raphaël Glucksmann, le « pendant de gauche » du « démon libéral » ou faux frère ennemi politico-médiatique ?


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