La Commune de Paris : bataille d’images

France 5 vient de diffuser un documentaire très intéressant sur ce dramatique événement sous l’angle de la restitution par l’image, et qui oppose les photographes Bruno Braquehais et Ernest Appert.

Et, en effet, tout les oppose, de leurs premiers sujets photographiés aux motivations pendant et après le conflit :

– Braquehais s’était spécialisé dans les photos de nus artistiques, colorisées par son épouse ; Appert et son frère Eugène dans les portraits de personnalités politiques

– Braquehais a probablement été sympathisant de la Commune alors qu’Appert s’était ouvertement déclaré pro-Versaillais, d’autant qu’il photographia l’événement pour le compte d’Adolphe Thiers, décideur de la répression sanglante des Communards

– Braquehais, premier « photo-reporter » de fait,  livrera des clichés authentiques : la chute de la colonne Vendôme (seul photographe présent), les Communards sur leurs barricades dressées un peu partout dans Paris – mais aussi des Versaillais durant leur progression et la destruction de l’hôtel particulier de Thiers. Appert, lui, sera le précurseur de la recomposition photographique de propagande destinée à montrer « les crimes de la Commune » perpétrés par les insurgés, comme les photomontages des exécutions à la prison de la Roquette ou du massacre de la rue Haxo  ; les célèbres photos des Communards dans leur cercueil sont également de lui, ainsi que celles des prisonniers, dont Louise Michel

– Braquehais ne vendra aucun de ses 140 clichés ; ceux d’Appert seront édités et commercialisés, comme d’ailleurs ceux d’autres photographes revenus à Paris après le conflit pour photographier les ruines

Exposition Bruno Braquehais à la médiathèque de Dieppe, le premier photo-reporter de la Commune de Paris 
 (Ville de Dieppe)

La chute de la colonne Vendôme captée par Bruno Braquehais minute par minute
 (Ville de Dieppe)
Photographies authentiques de Bruno Braquehais (exposition Ville de Dieppe)
Photomontage en noir et blanc représentant l'exécution de six religieux, debout devant le mur de la cour intérieure d'une prison. Les religieux sont tenus en joue par un peloton au premier plan, qu'un homme sur le côté gauche semble commander.
Photomontage de l’exécution des otages de La Roquette par Ernest Appert
(musée Carnavalet)

Les photographies de Braquehais seront d’abord censurées, puis serviront de preuve pour identifier les insurgés. Adolphe Thiers fera supprimer tous les témoignages de l’insurrection, à commencer par la construction du Sacré-Coeur à la place du lieu où elle débuta. Aux Buttes-Chaumont, point de plaque-souvenir de l’exécution des Parisiens. Et, au Père-Lachaise, seul le mur des Fédérés rappelle les derniers combats des Communards, alors qu’à quelques pas est érigé le mausolée construit pour Thiers.


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